Hommage : IEM Paris en deuil

Fetish store - Hommage : IEM Paris en deuil
Franck Desbordes

Début novembre, Michel Ghougassian, co-créateur d’IEM et chef d’entreprise visionnaire nous quittait. Si vous avez ce numéro d’AgendaQ entre les mains, c’est un peu grâce à lui. Nous tenions évidemment à lui rendre un hommage, et pas seulement pour AgendaQ et le soutien sans faille d’IEM durant toutes ces années, mais aussi pour l’homme qu’il était, généreux et droit, empathique et juste. Sa disparition nous affecte profondément et nous nous permettons de nous associer à l’équipe d’IEM, et plus particulièrement à Samuel, pour lui rendre hommage.

Notre première rencontre avec Michel date en fait d’avant la création d’AgendaQ en 2004 puisque nous avions été amenés à le rencontrer quand nous avions en charge la production (donc le financement par la publicité) de flyers pour les discothèques ou de catalogues pour les agences de voyages gay dans les années 90. Car Michel, au travers d’IEM, a toujours été un soutien de la communauté gay.

L’investissement communautaire de Michel était légendaire. Il n’hésitait pas à soutenir toutes les associations hard de l’époque : entre autres l’ASMF et Mecs-en-caoutchouc, mais aussi tous les petits projets associatifs. Mais ne croyez pas que Michel soutenait aveuglément, non, il savait toujours ce qui allait marcher, et donc il savait associer l’entreprise et la marque IEM dans les bonnes opérations. Gagnant-gagnant, telle était toujours l’idée de Michel, et croyez-nous, il ne se trompait pas !

Michel a aussi été l’un de ceux (ils ne sont pas nombreux) à soutenir les artistes gay, à les encourager, à leur acheter des œuvres pour les aider quand ils n’étaient pas encore connus ou quand ils passaient une mauvaise passe. Ainsi Tom of Finland, Bastille, Nigel Kent, Eric Raspaut, Olaf,… comptaient parmi ses nombreux amis. Quelques-uns parmi tous ces artistes ont été emportés par le sida dans les années 90-2000…

D’ailleurs, sur ce sujet, IEM a été la première entreprise à s’engager, et à s’engager aussi fortement dans la lutte contre le sida en France. Jusqu’à organiser des Tea-dance au Palace au profit de Aides, lors des débuts de l’association. C’est un combat qu’IEM a continué à mener sans failles durant toutes ces années, y compris quand Samuel a repris les reines de l’entreprise il y a quelques années maintenant. La lutte contre le sida est naturellement et profondément ancrée dans l’ADN d’IEM, et cela a contribué à l’image de marque que l’institution IEM dégage aujourd’hui.

Mais Michel n’était pas seulement un homme au grand cœur, il était aussi un gestionnaire hors-pairs, en plus d’être un visionnaire. IEM a été le précurseur de tout un pan de la communauté gay. Par exemple, quand dans les années 80, il prit la décision de quitter la boutique de la rue des Vinaigriers pour déménager dans de vastes locaux rue Saint-Maur… un Temple des plaisirs hard ! On y trouvait les derniers films porno, du matériel, des collections cuir incroyables, … Tous ceux qui sont entrés dans le temple de la rue Saint-Maur en garde un souvenir incroyable. Il en fallait de l’audace pour occuper et surtout faire vivre un espace aussi beau et aussi grand. Un lien fort s’est alors créé entre IEM et la communauté hard, un lien qui ne s’est jamais délité. Michel savait prendre des paris, des engagements, avec audace. Il était respecté pour cela et pour son parcours car, ne l’oublions pas, quand il crée IEM avec Maurice, son associé de l’époque, l’homosexualité est encore interdite en France. Michel était déterminé, courageux et combattant. IEM en était et en reste le message !

Alors bien sûr, notre expérience récente avec AgendaQ est plus courte. Elle ne remonte « qu’à » l’automne 2004. C’est une histoire que l’on vous a déjà racontée une ou deux fois dans nos pages : lors de la présentation du projet à certains patrons de backroom, avant même que le premier numéro ne sorte, beaucoup d’entre eux hésitaient à nous suivre, l’un d’entre eux nous promettant même que nous n’éditerions pas plus de 3 numéros… aucun n’avait pris d’engagement publicitaire et nous allions baisser les bras. Il restait un dernier rendez-vous pour présenter le projet : chez IEM. Michel nous a laissé parler, sans dire un mot, jusqu’à nous déstabiliser, nous laisser ramer, ramer et ramer… et d’un coup nous dire : « elle est bien ton idée, tu vas voir, ça va marcher. En tous cas, tu peux compter sur IEM. » Et l’aventure pouvait commencer. En quelques mots, (parce que la conversation fut longue), il nous a boosté !

Je n’oublierai jamais cette petite étoile dans les yeux de Michel à ce moment-là, une étoile coquine, pleine de malice et de détermination. Le souvenir de cette seconde m’anime à chaque nouveau projet. 

Encore il y a quelques mois, alors que nous lancions le magazine Strobo, c’est Michel que nous sommes allés voir en premier, sans trop savoir quelle image nous allions placer en première de couverture pour notre premier numéro. Aussitôt, Michel dans toute son entièreté me rétorquait : « Tu as besoin de quoi ? » avant de nous faire des propositions de visuels. C’est aussi cela qui caractérisait Michel : l’envie de proposer des solutions et de faire en sorte que les choses se créent, à l’échelle individuelle et collective. Il était heureux aussi quand les autres aussi réussissaient, et tant mieux s’il y était un peu pour quelque chose.

Michel était un vrai militant gay, au service de la communauté gay. Il était doué, dynamique et pionnier avec IEM dans bien des domaines. Rattrapé par la maladie ces dernières années, il prit l’une de ses dernières décisions : celle de transmettre IEM à Samuel. Parce qu’il savait qu’IEM serait entre de bonnes mains. Samuel connaît IEM depuis l’époque de la rue Saint-Maur, il y est très attaché tout comme il était énormément attaché à Michel. Oui IEM est entre de bonnes mains, Samuel saura continuer l’œuvre de Michel, c’est certain. IEM a marqué l’histoire de toute une communauté et son empreinte n’est pas près de s’effacer. Le projet de Michel peut maintenant continuer à vivre, sereinement grâce à Samuel.

C’est avec énormément d’émotion et de respect que l’équipe d’AgendaQ présente ses condoléances à sa famille, à ses proches, ainsi qu’à Samuel pour qui nous avons une grosse pensée.

Croiser Michel Ghougassian était une chance, travailler avec lui un tremplin.

Merci Michel, nous ne t’oublierons jamais.

Franck Desbordes,

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