Dans la culture gay et tout particulièrement érotique-pornographique, nous sommes nombreux à accumuler des œuvres fetish. Quoique l’on fasse, il nous est impossible de nous y soustraire, le comportement est compulsif, l’envie immédiate et le plaisir de l’acquisition à chaque fois renouvelé. La tentation nourrit le désir. Rencontres avec un passionné Pascal Robert, propriétaire de New MiIlenium, qui nous raconte son rapport à l’art.
Chez New Millenium, sur les murs, il y a des toiles grand format, des aquarelles, des prints, des tirages photo couleur et noir et blanc. Tous célébrant le corps masculin et tous (à minima) homoérotiques.
Sont-ils à vendre ? A priori oui, mais pas tous ; souvent, pour un collectionneur, se séparer d’une pièce que l’on a convoitée et fini par posséder, est douloureux. Particulièrement lorsqu’elle fait partie d’un sous-ensemble de votre collection.
Quand j’aime un artiste je résiste rarement au plaisir d’acheter plusieurs œuvres, elle se mettent en valeurs les unes les autres et rendent l’artiste plus lisible. Puis quand mon désir d’un artiste est « repu », que mon ensemble est équilibré, je passe à un autre artiste. Je me contente alors au sens littéral, et c’est déjà beaucoup de vivre avec lui et quelques-unes de ses œuvres plusieurs mois ou plusieurs années.
J’aime l’accumulation, comme au XIXeme siècle, je sais organiser les accrochages sans vraiment y réfléchir. Je n’ai depuis longtemps plus assez de murs ou de surfaces où accrocher mes dernières pièces. Quelque fois, elles s’entassent contre les murs attendant que je m’occupe d’elles, que je les encadre, ou pas, que je leur trouve un environnement ou un voisinage qui les aidera à s’épanouir.
Lorsque j’achète ma première pièce à un artiste, il y a une forme de fièvre qui s’installe, je VEUX cette pièce, pour ce qu’elle est maintenant, ou aussi, et c’est parfois piégeant, pour ce qu’elle représente de mon propre passé ou parce qu’elle représente un trophée. J’achète beaucoup en salle des ventes, beaucoup aux Etats-Unis ou je vais souvent, beaucoup la nuit à cause du décalage et parce que je vis la nuit. J’éprouve un réel plaisir solitaire de chasseur/traqueur, je peux passer des heures en embuscade lors d’une vente et « in fine » je ne suis jamais certain je vais réussir à acquérir cette pièce, les enchères sont ouvertes, très rapides et demandent un grand sang-froid. Il y 2 ans j’ai commencé à acheter aux Etats-Unis des photos de Robert Mapplethorpe. J’en avais toujours eu très envie mais les tirages originaux d’époque sont inabordables. J’ai découvert qu’il y a sur le marché des tirages postérieurs, qui ont dix ans voire vingt ans de plus que les originaux datant de fin 90 ou début 2000. Ce sont des tirages autorisés par les ayants droits et rigoureusement identiques à l’original, d’une qualité identique sur un papier magnifique et dont la finesse et le grain sont remarquables.
J’ai commencé avec « Dominick et Elliot » 1979, une pièce SM un peu compliquée à exposer dans son salon. Puis j’ai acquis « Patrice » 1977, dont je rêvais depuis des années, le très reconnaissable frontal d’un jock ultra rempli, jambe nue, une sorte de harnais ceinture autour de la taille et une manche de perfecto, un poing, une cuisse. Une photo qui coupe le souffle et transmet à vos reins un désir presque douloureux. L’original date de 1977 et j’ai un tirage « Fine Duotone » estampillé « 2014 » de chez Skira Editore à Milan, en excellente condition et très bien encadre. Son Prix est de 560€. La finition est mat satinée, la taille exacte du tirage est celle de l’original du Musée Getty : 19,5x19,5cm, monté professionnellement sur fond noir 35,5 x40,5cm. Mais il n’est pas seul, J’ai aussi un tirage du célèbre « Homme en costume de Polyester » 1980, la plus belle braguette ouverte du monde, « Marty et Veronica » 1982, le premier cunnilingus hetero interracial, et « Thomas » 1986, le Chef d’œuvre de Mapplethorpe, qui ressemble à un Da vinci, un Nu poussant tête baissée les quatre coins de son cadre. Cette semaine sont arrivés deux très beaux nus de Karl Lagerfeld, certifiés eux aussi, en sépia, dont l’un est un splendide nu de Ruppert Everett, Magnifique.”
A découvrir chez New Millenium, certaines œuvres étant disponibles à la vente.
New Millenium, 37 rue Jean-Pierre timbaud, 75011 Paris
Légende des photos :
4 assiettes anglaises d'une collection bien plus large en porcelaine de Shrewsbury
“Patrice" 1977 © Robert Mapplethorpe
"Homme en costume de Polyester" 1980 © Robert Mapplethorpe
"Marty et Veronica" 1982
"Thomas" 1986 © Robert Mapplethorpe
Ruppert Everett © Karl Lagerfeld